
Produire des écrits au CP
Vous avez été nombreux à me poser des questions concernant la production d’écrits au CP, la manière de l’introduire, la fréquence des séances, leur durée, le contenu, les outils…
Je trouvais que c’était difficile à mettre en place régulièrement et avec pertinence au début de ma carrière en CM, je n’en faisais pas assez en CE1 CE2 et c’est en arrivant au CP que j’ai vraiment accroché avec la production d’écrits.
Probablement parce que c’est le niveau où l’on démarre cette pratique en partant de zéro, on pose les bases, on part du mot pour arriver à la phrase et enfin au texte. Cela m’a permis de comprendre vraiment le concept, de mieux appréhender ce qui fonctionne ou non, de percevoir les difficultés rencontrées par les élèves, d’accepter de partir de très peu de production émanant de l’élève et d’en être satisfaite car à chaque jour suffit sa peine et Paris ne s’est pas fait en un jour (oui je parle comme une vieille).
Tout d’abord, je précise que je n’ai absolument rien inventé, je me suis appuyée sur ce que faisaient mes collègues déjà en CP et inspirée de la richesse des échanges avec d’autres collègues croisés ou sur la toile.
Enfin avant de commencer je rappelle si nécessaire que l’entrée dans l’écrit se fait par l’oral. C’est une évidence mais on a souvent tendance à l’oublier en faisant le raccourci production d’écrit = l’élève écrit. Bien souvent par production d’écrits on entend un texte, une histoire, en bref un contenu conséquent produit par l’élève.
Pour ce qui est de la fréquence, je consacre un créneau de production d’écrits par jour ou 3 créneaux par semaine selon les projets (piscine, arts…).
Et pour le support j’ai un cahier petit format consacré à la production d’écrit.
Ces précisions apportées, entrons dans le vif du sujet.
Premier point très important : on peut commencer la production d’écrits dès la rentrée au CP. Les enseignants de maternelle en font également et on l’oublie souvent aussi. Nos élèves n’arrivent pas vierges de toute connaissance, il faut s’appuyer dessus !
Produire un écrit peut être tout simplement de l’encodage de mots (ou dictée muette : une image = un mot) ! C’est ce que font les enseignants de maternelle, les enfants connaissent donc l’exercice.
C’est ce que je fais durant toute la période 1. Nous étudions 2 sons par semaine, les élèves essaient d’encoder 5 mots de chaque son.
Pour l’organisation je varie souvent :
– soit encodage des 5 mots le lundi et correction le mardi (cela permet aux élèves de revenir sur leur travail en différé)
– soit encodage des 5 mots le lundi pour une moitié de classe avec retour immédiat de ma part pendant que l’autre moitié est en autonomie et inversion des groupes le mardi. Dans cette configuration, les élèves ne produisent pas tous les jours du coup.
Vous retrouverez les bandelettes d’encodage réalisées par ma collègue ici ou encore chez Défine qui s’en est inspirée en utilisant des mots du manuel Pilotis.
Concernant l’étayage, il peut être individualisé : certains élèves auront besoin des barquettes des syllabes, d’autres du nombre de lettres, de tirets pour chaque lettre. Il est aussi possible de donner les sons complexes non encore abordés car cela ne doit pas être un frein ou encore les lettres muettes. On a souvent tendance à penser que si le son n’a pas été vu alors on ne peut pas faire encoder le mot mais encore une fois, en Grande Section tous les sons sont abordés !Les enfants sont également plein de ressources et savent s’appuyer sur leurs prénoms (ainsi Louise et Mahamadou connaitront le son ou et une grande majorité parlera du an de maman, même si tous ne l’auront pas fixé bien sûr), encore une fois merci aux collègues de maternelle J
Durant la période 1 je pratique aussi des petites productions très simples, basées sur les prénoms par exemple en se servant de la rime (c’est un exercice que l’on retrouve sur beaucoup de sites et blogs). Partir de son prénom met l’enfant en situation de réussite et lui donne généralement envie. Je ne mets pas tout dans le cahier d’écrivain, on travaille parfois à l’oral au tableau (la fameuse dictée à l’adulte loin d’être trop simple car elle permet de travailler la syntaxe : on n’écrit pas comme on parle !)
En période 2, j’arrête l’encodage de mots (mais il est tout à fait possible de poursuivre) pour démarrer de courtes phrases. Il est donc nécessaire que les élèves sachent ce qu’est une phrase, ce qui ne m’empêche pas de revenir sur cette notion en grammaire plus tard dans la période pour l’approfondir.
J’utilise alors beaucoup d’amorces de phrases en puisant dans les mots outils par exemple : Il y a un ara dans la rue. La structure donnée est: Il y a … dans …
Je varie en m’appuyant sur les thèmes et projets en cours : le lexique du matériel scolaire :
Dans mon cartable il y a …
le Vendée Globe : Dans la mer il y a …

C’est … pour …
Les élèves peuvent essayer d’écrire seuls, chercher les mots dans leur manuel de lecture, utiliser l’outil Lexiclic que je vous ai déjà présenté ici , ou encore se servir de référents mobiles d’écriture à retrouver chez Maitresse Aurel.
Dans les amorces de phrases j’utilise aussi des comparaisons :
Grand comme… / Petit comme…
Et là encore j’adapte aux situations vécues, par exemple, en rapport avec les évènements tragiques de cette année j’ai proposé :
Libre comme…
La différenciation se fait cette fois par la quantité de phrases produites.
Avec mes collègues nous leur faisons également dresser des listes, cela travaille ce type d’écrit, un domaine ou un champ lexical, c’est une production plus concise qui requiert moins le geste graphique et qui peut se substituer à une autre activité pour certains élèves si besoin.
Par exemple : Trouve 5 animaux qui volent / Trouve 5 choses qui poussent dans un jardin…
Je propose aussi à mes élèves d’utiliser mon outil La fabrique de phrases.

Durant cette période il est également possible de mettre en place le superbe travail d’Ipotame, qui reprend un peu le fonctionnement des amorces de phrases en proposant aux élèves de conserver le canevas et de changer seulement certains éléments.
Enfin, en rapport avec les sons étudiés dans la semaine et parce que le manuel Pilotis que nous utilisons s’y prête particulièrement, nous proposons aux enfants d’écrire une phrase contenant un mot de la maison du son abordé.
A compter de la période 3, toujours des phrases à produire à partir du manuel et du son travaillé mais 2 mots à choisir cette fois, voire 3 pour les élèves les plus à l’aise.
Je continue les amorces de phrases, cela permet de faire des productions courtes avec des critères de réussite plus accessibles (un petit boost de confiance en soi de temps en temps n’a jamais fait de mal aux élèves).
Je propose des illustrations comme élément déclencheur de l’écrit. Ce sont des images simples qui vont susciter une ou deux phrases. Retrouvez-les ici.

J’ai remarqué que ce qui fait souvent défaut avant même de savoir écrire les mots c’est l’imagination ! Nos élèves actuels lisent malheureusement de moins en moins, c’est un fait qu’il faut prendre en compte et ne pas nier (même si bien entendu, une de nos missions est de leur donner le goût de lire). Aussi, pouvons-nous, dans un premier temps, lever cette difficulté en partant d’un support concret.
Ce peut donc être une illustration ou un évènement vécu par tous les élèves qu’on leur demande de raconter.
A ce stade, il est également possible de proposer de décrire un camarade, un animal, un personnage Monsieur Madame… (à condition bien entendu de voir en amont le lexique nécessaire).

En période 4, les écrits peuvent s’étoffer, je propose des images séquentielles.

Je propose toujours des images mais plus riches, elles invitent donc à une rédaction plus longue (je les pioche sur Internet, elles ne sont pas toutes libres de droits donc je ne peux pas les partager).

Cette progression est vraiment visible dans les cahiers d’un bout à l’autre de l’année en termes de quantité d’écrit et bien sûr de qualité de l’écriture.
En période 5 enfin, les élèves pourront écrire sans support visuel et raconter une histoire par eux-mêmes, une rencontre entre 2 personnages, la suite ou un passage d’un album…


En résumé, je dirais de ne pas partir trop vite, de prendre le temps de construire des fondations solides et de partir autant que possible de situations proches du vécu de l’élève.
L’année dernière par exemple j’avais proposé à mes élèves durant le confinement cette production :

Je pense que passer par toutes ces étapes dans les petites classes et ritualiser l’activité aidera à obtenir des productions d’écrits fournies en CM. Souvent le manque d’habitude d’écrire et d’imaginer pose problème aux élèves qui produisent alors peu.
Dernier point tiré de mon expérience personnelle, certains sujets que l’on choisit et que l’on pense en apparence anodins (Raconte ton week-end, Qu’as-tu fait pendant les vacances ? etc) peuvent en réalité chez certains élèves se révéler difficiles selon la situation familiale et le vécu et peuvent générer une aversion pour l’exercice ou un blocage. Ce n’est certes pas vrai partout mais on ne sait pas toujours tout et je l’ai expérimenté bien malgré moi alors je pose ça là.
Attention, je viens de développer ce que je qualifie de projets courts d’écriture. Il est toutefois tout à fait possible et même recommandé de réaliser un ou plusieurs projets plus longs dans l’année. A titre d’exemple, j’ai déjà participé avec mes CP au concours Plumes en herbe organisé par Nathan : il s’agit d’écrire l’histoire d’un album Premières lectures à paraître dont nous n’avons que les illustrations. J’alternais alors les phases d’écriture autonome, en binôme ou encore en dictée collective à l’adulte.
Pour ce genre de projets je vous conseille d’aller regarder Daniele Adad ici
de lire l’article de Maitresse Aurel sur Epopia
de jeter un œil chez Mon livre Calamagui qui vous permet d’éditer un livre entièrement écrit par vos élèves
ou encore de découvrir Plume si ce n’est pas encore fait. J’ai expérimenté à partir de janvier en CP et les élèves avaient beaucoup accroché !
J’espère que cet article vous aura renseignés, aidés peut-être… Si vous avez des questions ou des remarques n’hésitez pas en commentaires et si vous êtes arrivés jusqu’ici merci de m’avoir lue (et bravo ! )

